Adrienne Bolland
Henri Bolland, écrivain belge et journaliste spécialisé en droit.
est propriétaire d'une prestigieuse demeure à Donnery, dans le Loiret, il épouse en 1882 Marie Joséphine Pasques, fille d'une famille de grands propriétaires terriens et châtelains, vivant au château d’Allonnes
depuis 1814,(dans la même localité).
Une affaire politico-financière en 1883 le conduit un temps en prison, puis Henri choisit l'exil, emmenant sa femme et leur première fille, sur l'île de Guernesey où se découvre une passion pour la géographie
et l'exploration ;
Deux enfants agrandiront le foyer pendant ce séjour
De retour en France en 1889, la famille réside désormais à Arcueil-Cachan, où il poursuit son travail d’écriture et produit notamment « Les Îles de la Manche » en1893, un ouvrage remarqué par Paul Joanne, éditeur français des premiers guides de voyages d’un tourisme naissant. Henri se lance alors dans la rédaction de brochures pour cet éditeur, mais aussi pour le « Touring club » & le « Club alpin »., travail qui l’éloigne très souvent de la maison familiale
Adrienne Armande Pauline Bolland naît le 25 novembre 1895, à Arcueil, ce sera la dernière enfant du couple, qui, paradoxalement, tissera un lien particulier avec ce père toujours absent.
Le 19 octobre 1909, Henri décède brutalement, laissant sa veuve, spoliée par les assureurs,
dans une situation financière plus que délicate.
Adrienne, lasse d’attendre une proposition de mariage, ne voulant pas rester plus longtemps à la charge de sa mère décide de devenir pilote.
Avec l'appui financier de son frère Benoît(*), elle suit un stage de deux mois à l'école internationale d'aviation des frères Caudron , située au Crotoy où elle obtient son brevet de pilotage le 26 janvier 1920,
( le 13ème brevet féminin depuis 1920, mais elle refuse ce numéro & obtient l’autorisation de porter le n° 12bis, fait unique dans les annales) ce qui fait la une des journaux de l'époque
La dame prouve, s’il en était besoin, confirme un fort tempérament .
(*)Benoît a fait partie de l'équipage du «pourquoi pas ? » du commandant Charcot dans son expédition, en Antarctique, de 1908 à 1910 Affecté en Tunisie pendant la guerre il est l’un des premiers à installer des radios dans les engins de la base militaire de Bizerte,. |
En mars 1920, René Caudron l’engage comme pilote d’essai & comme convoyeur d’avions : (livraison d’ avion aux clients, sur les lieux de maintenance, sur le site de démantèlement ou dans un musée..)
.Le recrutement est audacieux pour l’époque, dans ce milieu de l’aviation peu ouvert aux femmes, mais qui apporte à l’entreprise des retombées médiatiques, dont il a bien conscience quand il décide d’embaucher pour 3 ans cette femme de tête
et qui peut s’avérer aussi imprévisible !
Elle le prouvera.
La société des frères Caudron, René & Gaston, crée en 1909, se rend rapidement célèbre par le développement d'avions performants dès le début de la guerre 1914-1918 . Son avion d’observation, introduit dans les escadrilles en 1914, est armé de mitrailleuses en 1916 ; suivront les bimoteurs « sesquiplans » ( biplan aux ailes supérieures plus grandes que les ailes inférieures) puis les avions au fuselage carénés. Après la guerre, la société se convertit dans l’aviation civile, les modèles de transport et les records se succèdent jusqu'en 1933, date de rachat par Renault. |
En avril de la même année : Adrienne décide d'acheter son propre avion, un caudron109, de 40 chv, à aile parasol, grâce à l’aide financière du pilote Maurice Drouhin, (croix de guerre de 1914-1918 )
Elle devient la première femme au monde à réussir un looping,
figure qu’elle perfectionnera des années plus tard.
Le 25 août 1920, elle est la première femme pilote à traverser la manche en solitaire depuis la France
(Harriet Quimby l'avait traversée, depuis l'Angleterre en 1912).
Les 8, 9 et 10 octobre 1920,
la seule femme à piloteraux côtés des as : Fonck, Nungesser,notamment, elle participe au grand rassemblement
aérien de Buc dans les Yvelines,
De fort caractère, vous l’avez compris, ses avions sont régulièrement sabotés par les envieux & les jaloux....
La traversée des Andes
Entendant parler des « macchabées de la cordillère des Andes » Adrienne supplie René Caudron de l'envoyer là-bas, « juste pour voir ». À son grand étonnement, il accepte contre l’obligation de promouvoir les avions de la société.
Arrivée à Buenos Aires le 22 décembre 1920, avec deux Caudron G 3
et accompagnée de René Duperrier, le mécanicien de la firme , elle débute comme prévue la propagande commerciale demandée par l'avionneur, mais avec l’idée derrière la tête de franchir la Cordillière, attendant de ce raid: la richesse & la célébrité en peu de temps.
Un projet vite éventé par la presse argentine, et la nouvelle parvient aux oreilles de Caudron, qui mit devant le fait accompli, refuse alors la demande d’envoi d’un avion plus puissant
Coincée, d’autant qu’elle n’a jamais survolé de montagnes, et connaît encore moins le passage aérien la conduisant au Chili, Adrienne veut montrer pourtant aux pilotes présents que son Caudron G.3 n'est pas « une guimauve ».,
Dans l’attente d’une magnéto de rechange, elle tente deux essais dans ce gigantesque & inextricable labyrinthe entre les aiguilles glacées, battues par des vents rabattants mortels, conduisant à coup sûr les téméraires au paradis blanc.
Qu’importe, on va voir ce qu’on va voir, ayant réceptionnée une magnéto neuve, elle s’habille assez légèrement avec « les moyens du bord »: combinaison de coton enfilée sur un pull de laine & son pyjama en soie, une couche de journaux plaquée sur son corps enduit de graisse,
Elle emporte dans le cockpit: un poignard pour se défendre d'éventuelles attaques de condors, réputés pour fondre sur les avions qui pénétrent leur territoire de chasse, et un révolver, qui peut lui servir à mettre le feu à son avion, pour signaler sa présence en cas d'atterrissage forcé
le 1er avril à bord de son G 3 de 40 cv ! , avec 9h d’autonomie de vol,
( une capacité prudemment doublée par son mécanicien), elle décolle pour un troisième essai, empruntant la route la plus directe, venteuse & dangereuseà souhait, frisant des plus hauts sommets, dont l’Aconcagua culminant à 6 962 mètres d'altitude
(. Ses prédécesseurs, des militaires, dotés d'avions de 300 à 600 cv, sont tous passés par le sud, là où la montagne n’atteint que 3 500 mètres)
Après s'être perdue, avoir fait 3 surplaces de 20 minutes chacun face aux vents, elle suit son intuition en appliquant les conseils d'une femme envoyée par un habitant des Andes avant son départ
et qui n'a jamais volé, incroyable-
Après un vol de 4 h 15 à une moyenne de 50 kilomètres à l'heure,
elle se pose sur la piste de l'école militaire d'aviation de Santiago du Chili, devenant la première femme à traverser la cordillère des Andes tout en battant le record mondial féminin d'altitude à 4 850 mètres.
Ignorant que son parcours était suivi par la presse, grâce aux postes de la ligne télégraphique longeant la voie ferrée en contrebas, elle est accueillie en héroïne, faisant la une des journaux.
De retour à Buenos Aire, adulée, elle entame une tournée d’exhibitions et de voltiges de 3 mois en Argentine et en Uruguay.
Le 20 mars 1921 ,attendue avec impatience par la population,
elle rejoint la ville de Mendoza en Argentine, durement touchée par un violent séisme qui a fait 1500 morts le 17 décembre 1920
. Grâce à cette jeune Française audacieuse, les soutiens financiers arrivent et permettent de reconstruire la ville.
Après un bref retour en France en juillet 1921, elle repart au Brésil en vue de créer une école de pilotage pour les femmes
et pour réaliser d'autres raids aériens.
C'est au Brésil qu'elle vit ses pires échecs et ses accidents les plus traumatisants, dont un naufrage sur une plage déserte.
À son retour en France en 1924, Caudron met fin à son contrat :
Adrienne Bolland. doit désormais se battre seule
pour vivre de son métier.
Elle se rend à Nice à l’appel de son ami Auguste Maïcon, (un autre as de l’aviation) pour l’aider promouvoir son « industrie aérienne ».
C’est là, qu’elle rencontre l‘amour de sa vie, Ernest Vinchon, fils d'une des meilleures familles roubaisiennes ayant fait fortune
dans l'industrie du fil.
Mais Ernest est marié, ils vivront donc un amour caché.
L’homme est pilote et parachutiste, et a fait ses preuves à la guerre: Engagé volontaire dans l'armée pour trois ans le 18 mars 1913, il est incorporé comme brigadier au 29e Régiment d'artillerie. Il est fait maréchal des logis le 19 octobre 1914. De 1914 à 1917, il est agent de liaison d'artillerie. et se fait remarquer pour son courage lors de l'attaque de la tranchée de Souville le 10 août 1816 puis comme guetteur lors de bombardement du 01 juillet 1917., obtenant alors la Croix de guerre. Affecté à l'armée de l'air. il est instructeur sur la base aérienne d'Avord. Sergent breveté pilote le 9 mars 1918, il est affecté comme navigant des forces aériennes de terre jusqu'en avril 1931. |
Le 27 mai 1924 à Orly, Adrienne bat le record féminin de looping
en réalisant 212 boucles en 72 minutes
(trahie par les fils des bougies de son Caudron C.27 F-AGAP, c'est un semi échec pour elle, car elle comptait battre les 962 loopings du record masculin établi en 1920 par son ami Alfred Fronval,
Avec Maurice Finat et le lieutenant Robin, fondateurs de l'escadrille Jules Mamet elle devient la pilote voltigeuse la plus célèbre des meetings en Europe, la plus active et la plus populaire de France,
et la seule femme « propagandiste » de l'air pour le ministère des Transports Aériens.
Pendant cette période intense:
-elle aide Maryse Hilsz à devenir pilote,
une autre femme d'action dotée d'une forte personnalité: elle sera détentrice de nombreux records de vitesse et de distance en avion
.
- elle rencontre Maryse Bastié & la présente à René Caudron
,
- en 1930, six ans après leur rencontre, le divorce d'Ernest est prononcé, et il épouse la plus célèbre aviatrice acrobate de l'air du monde.
- le 4 juillet 1930, elle parraine le baptême de l'air d'Hélène Boucher,
En 1934, Louise Faure Favier, son amie depuis 1920,
une autre pionnière de l’aviation la présente à Louise Weiss
( journaliste femme de lettres & politique) qui lui demande de promouvoir le vote des femmes aux côtés de Maryse Bastié & Hélène Boucher.
Pour ces dernières, leur participation sera brève, car leurs constructeurs et sponsors voient d'un mauvais œil cet engagement politique de leurs protégées alors que les grèves des ouvrières débutent dans les usines d'aviation partout en France.
Cette aventure féministe stoppera net.
Elle permet à la ville de Mont de Marsan de construire un aérodrome et d'obtenir les avions nécessaires
à la protection de forêts de pins des Landes
Opposée à tous les totalitarismes, prônant l'humanisme, elle est amie des mécaniciens, de peintres comme Moïse Kisling, d'auteurs, de Pierre Dac & Boris Vian.
Complice de la première chroniqueuse de l'air, Louise Faure-Favier,
de Liane de Pougy, ancienne courtisane et maîtresse de toutes les têtes couronnées des années 1900,
elle devient l'ardent soutien du nouveau ministre de l'Air,
le jeune Pierre Cot.
Nommé par Daladier, au ministère des affaires étrangères en janvier 1933, Il se lance également avec fougue dans la promotion de l'aviation française, veillant à la réorganisation de l'aéronautique civile. Le 7 octobre 1933, il prononce un discours au Bourget, marquant la naissance d'Air France, une société d’économie mixte issue de la fusion des principales compagnies aériennes. Contraint d'abandonner ce portefeuille ministériel après la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934, il le retrouve en 1936 dans le gouvernement du front populaire dirigé par Léon Blum, comme ministre de l’air où il s’attache à développer l'aviation populaire. Après avoir passé son brevet de pilote, il tient régulièrement le manche de son avion officiel. Membre du comité d'honneur de l’association juridique internationale, il se consacre alors principalement à la nationalisation des industries aéronautiques. |
Proches du couple,
-l’ami d’Ernest , Jean Moulin,
Né le 29 juin 1899, Jean Moulin, se révèle un élève moyen, mais un caricaturiste et un amateur de belles lettres de talent. En 1917, grâce à l'entregent de son père conseiller général, il est nommé attaché au cabinet du préfet de l’Hérault Quittant son milieu familial, il fréquente les artistes, et se passionne pour les voitures de sport,
les beaux vêtements et le ski..
Mobilisé le 17 avril 1918, il suit une formation accélérée et s’apprête à monter en ligne dans les Vosges, quand l’armistice est signée.
De retour à la vie civile le 4 novembre1919, il reprend ses fonctions auprès du préfet Par la qualité de son travail, il s’assure un avenir prometteur. En décembre 1936, Pierre Cot ministre de l’air l’appelle auprès de lui comme sous chef de cabinet- (Ce ministère soutient clandestinement les républicains espagnols par l’envoi d’avions et de pilotes, aidé par Adrienne dans le recrutement des pilotes de l'escadrille España dirigée par André Malraux
Jean Moulin participe à l'organisation de nombreux raids aériens civils, comme la traversée de l'Atlantique sud par Maryse Bastié,
ou la course Istres-Damas-Le Bourget
- Joseph Sadi-Lecointe,
défenseur de l'aviation populaire
Pilote depuis 1910, Joseph Sadi-Lecointe s’engage dans l’aviation en 1914.Combattant, puis instructeur, il forme 1500 pilotes..
A partir de 1919 il enchaîne les records de monde d’altitude ( jusqu’à 11145mètres) et de vitesse ( 375km/h), cumule les titres aux championnats du monde, s’illustre aux commandes d’hydravions, …
et aux volants d’automobiles de courses.
Il reprend du service dans l’aviation pendant la guerre du Rif au Maroc de 1925 à 1927. où il effectue une quarantaine de missions.
Mobilisé en septembre 1939 en tant que lieutenant-colonel, il est affecté à l’Inspection générale des écoles, puis révoqué par Vichy en raison de ses opinions politiques.
Ami de Jean Moulin, il participe activement en zone non occupée au réseau « Rafale Andromède ». Ce qui lui vaut d'être emprisonné à Fresnes au printemps 1944. Il meurt le 15 juillet 1944 à Paris, peu après sa sortie de prison, sans doute victime de mauvais traitements infligés pendant sa détention.
Les choix et ses positions politiques d’Adrienne, ouvertement à gauche, lui valent de solides inimitiés se traduisant par le sabotage de ses avions, dans le but de faire monter le coût des primes d’assurances des avions du couple, et de cette façon ; les empêcher de voler.
Elle se sortira indemne de sept accidents.
En 1940, elle décide avec son mari de résider à Donnery, un point stratégique non loin de la ligne de démarcation entre la zone libre & la zone occupée par les Allemands,rejoignant tous deux le réseau « Confrérie Notre Dame-Castille » du Loiret.
Ernest agent à Paris, est arrêté le 8/08/1943, il sera interné à Fresnes puis libéré le 24/01/1944,affaibli par une pleurésie.
Adrienne, agent sur place comme opératrice radio, est chargée du repérage des terrains susceptibles de servir aux atterrissages et parachutages clandestins de la Résistance.
La guerre terminée Adrienne se bat pour obtenir la retraite
des anciens combattants « civils »..
En 1961, Air France offre au couple le voyage anniversaire fêtant les 40 ans du survol historique de la cordillère des Andes; dans la foulée Adrienne devient l'ambassadrice officielle de la compagnie, ce qui lui permet de voyager et de passer le virus du pilotage aux jeunes.
Le 12 février 1966, Ernest décède au sanatorium de Pau de la tuberculose, conséquence probable de son séjour à Fresnes.
En 1971, Air France fête en grand la première traversée
d'un vol direct Paris-Santiago du Chili,
et le cinquantenaire de la traversée de la cordillière des Andes .
Adrienne accompagnée de 30 personnes effectue une tournée triomphale, la menant de Rio à Santiago en passant par Sao Paulo, Montevideo, Buenos Aires et Mendoza,
suivie par la presse sud américaine enthousiaste,
qui en fait l’évènement de l’année .
Adrienne Bolland meurt le 18 mars 1975, rejoignant son cher époux
au cimetière de Donnery, berceau de sa famille..
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Bercenay en Othe